04 Décembre 2007

Recadrer un collaborateur

Travail insuffisant, comportement inadéquat, non respect des consignes... Un jour ou l'autre, tout manager se retrouve confronté à la nécessité de remettre un collaborateur dans le droit chemin. Un exercice délicat qui va souvent à l'encontre du réflexe naturel qui est d'éviter le conflit. Voici quelques bonnes pratiques pour faire preuve d'autorité sans pour autant démotiver.

Ne rien remettre à plus tard

Dire ce qui ne va pas à un collaborateur est loin d'être une démarche naturelle pour beaucoup de managers, la nature humaine étant plutôt hostile au conflit. "De manière générale, beaucoup de gens ont comme message intérieur 'Si tu veux être apprécié, sois gentil et fais plaisir' et rejettent donc les sources de tension", explique Michel Lora, fondateur de Gii et formateur chez Benchmark Group. "Le manager aura tendance à s'identifier à son managé, en se rappelant un épisode similaire qu'il aurait vécu par le passé", ajoute le consultant.

Les risques de la politique de l'autruche

Il est tentant de remettre à plus tard l'explication. Au risque de laisser s'accumuler les incidents. La situation ne pourra que se dégrader, le collaborateur ayant peu de chances de se corriger seul. La responsabilité de la situation, notamment si une intervention extérieure s'impose, reviendra alors au manager. Attention également aux remarques trop timorées : vous aurez l'impression d'être clair mais votre interlocuteur risque de ne pas comprendre le message. Tout sera alors à recommencer mais votre patience aura été entamée.

"Le risque dans ce type de situation est d'être trop gentil, prévient Michel Lora. On plaint le collaborateur, on lui cherche des excuses en dénonçant le contexte et on prend le problème sur soi. On se place soi-même en sauveteur et son interlocuteur devient la victime. Il n'est donc pas incité à changer de comportement. Peu à peu, comme rien ne change, c'est le manager qui prend la place de la victime. Et quand il n'arrive plus à assumer, il se transforme souvent en persécuteur. On entre dans le triangle dramatique. C'est de l'anti-management."

Agir vite ou agir tout de suite ?

"Le manager aura tendance à se rappeler un épisode similaire qu'il aurait vécu par le passé"

Une réaction rapide n'implique pas obligatoirement une réaction à chaud. Il est préférable de passer par un entretien, plus ou moins formel suivant ce à quoi est sensible le collaborateur et à quel moment il est le plus réceptif. Toutefois, la situation peut imposer une réaction immédiate, parce que l'équipe a été témoin du dérapage et qu'il faut marquer les esprits, ou parce que vous êtes particulièrement affecté et qu'il faut évacuer la tension au plus vite. "Prenons l'exemple du retard du collaborateur à une réunion. Si le manager est quelqu'un de très à cheval sur les horaires, un tel comportement peut le suragacer. S'il ne dit rien tout de suite, il risque de s'en prendre à lui plus tard, en pleine réunion, sur un point qui n'a rien à voir", analyse Michel Lora. Aborder le sujet tout de suite a alors un intérêt. A condition de se méfier de ses émotions.

Bien mener l'entretien de recadrage

Préparer, exposer, écouter

Pour que l'entretien de recadrage fasse réellement changer le comportement du managé, il s'agit de bien le préparer. "La première étape est de se poser précisément la question de ce que l'on attend de son collaborateur, conseille Michel Lora. Plutôt que de se focaliser sur ce qui ne va pas, mieux vaut se demander ce qu'il devrait faire pour que cela aille bien." Ce travail préalable demande évidemment de faire abstraction des conflits ouverts qui peuvent exister entre manager et managé, quitte pour cela à demander un avis extérieur.

"Plutôt que de se focaliser sur ce qui ne va pas, mieux vaut se demander ce qu'il devrait faire pour que cela aille bien"

L'entretien commencera ensuite par l'exposé de ces réflexions au collaborateur. "Au lieu de lui dire ce qui ne va pas, dites-lui ce que vous souhaitez." Le tout en restant concret, factuel sur ses attentes. Au risque sinon de ne pas bien se faire comprendre. "Je me rappelle le cas d'un directeur d'agence qui, un jour, a fait une remarque à une de ses hôtesses pour qu'elle améliore son accueil mais sans rien préciser de plus. Le lendemain, l'hôtesse avait changé de style vestimentaire mais sa manière d'aborder les clients était restée la même. Il ne faut donc jamais perdre de vue que la perception que le collaborateur a de votre remarque n'est pas forcément conforme à la vôtre."

Il s'agit ensuite de le laisser s'exprimer sur la manière dont il envisage la mise en oeuvre de ce que vous lui demandez. C'est en effet un bon moyen de l'obliger à s'approprier la remarque. Ecoutez ses propositions mais restez également attentif à ce qu'elles vous inspirent. Si vous sentez que les dispositions qu'il est prêt à prendre ne sont pas suffisantes ou se sont déjà montrées inadaptées, il s'agit de le lui dire tout de suite et de l'inviter à en trouver d'autres. Le tout jusqu'à trouver un point d'entente.

Savoir bien réagir aux réactions hostiles

Certains comportements du collaborateur peuvent venir entraver le bon déroulement de l'entretien. Il peut tout d'abord tenter d'ergoter sur chaque fait ou chaque affirmation que vous avancez. Dans ce cas, tout en écoutant ce qu'il peut avoir à dire, tenez bon et ne partez pas dans un débat sans fin. "Si vous savez où vous souhaitez aller, ne vous lancez pas dans une discussion du type 'oui mais' avec le collaborateur, met en garde le consultant. Ce genre de jeu psychologique où chacun veut avoir raison ne se traduit pas par plus d'écoute et met les protagonistes sur la défensive. Au final, vous risquez de conclure par une crise d'autorité."

"Ne vous lancez pas dans une discussion du type 'oui mais' avec le collaborateur"

De même, si le collaborateur se renferme ou se braque, ne tombez pas dans la solution de facilité qui consisterait à faire comme si de rien n'était. Tout ce que vous pourrez dire n'aura pas d'effets tant que votre interlocuteur n'est pas réceptif. Au contraire, dès que vous prenez conscience de son attitude, crevez l'abcès et demandez-lui ce qui se passe. Tout en y mettant les formes : un ton impatient, agressif ou agacé n'incitera pas le managé à davantage collaborer.

Enfin, face à une personne qui acquiesce à tout mais qui ne semble pas prendre la pleine mesure de ce que vous lui dites, il est essentiel de la questionner avec insistance sur ce qu'elle entend mettre en oeuvre pour changer. Si la démarche apparaît compliquée pour le collaborateur, un suivi au quotidien sera indispensable.

Et si rien ne change

Certains changements peuvent être difficiles pour le collaborateur car trop en rupture avec ses habitudes. Si les effets tardent à se faire sentir, un accompagnement au quotidien s'impose. "Lui rappeler ses engagements et mettre un peu de pression lui redonnera l'énergie nécessaire pour qu'il fasse avancer les choses", précise Michel Lora.

Durcir le ton

Cela ne suffit pas toujours. Face à un collaborateur qui ne modifie pas son comportement, revenez à la charge, en intégrant une gradation dans vos propos. Même si c'est contre-nature, il vous faudra parfois rappeler les règles et menacer le collaborateur de sanctions. Il en va de la cohésion de l'équipe : un mauvais exemple impuni peut ruiner son fonctionnement, tout vertueux et solide qu'il soit, et éroder la motivation des autres.

"Mettre un peu de pression lui redonnera l'énergie nécessaire pour qu'il fasse avancer les choses"

Recadrer le collaborateur réticent en public peut avoir ses avantages. C'est le cas s'il est particulièrement sensible à l'image qu'il peut avoir auprès des autres. Cela peut aussi être le cas si son comportement affecte le reste de l'équipe (des retards répétés, des erreurs que ses collègues doivent rattraper, une attitude qui nuit au travail de groupe...). Le recadrage servira alors autant à rassurer les autres et à donner un exemple qu'à faire changer le collaborateur incriminé. Attention tout de même à bien préparer son intervention et à ne pas agir sur le coup des émotions. Le risque de l'humilier deviendrait trop grand.

Ne pas rester seul face au problème

Plus la situation s'envenime, plus le manager aura du mal à faire la part entre ses sentiments et la nécessaire lucidité que demande le recadrage. Ne pas hésitez alors à en parler à un tiers, par exemple un autre manager de l'entreprise, qui connaît éventuellement le collaborateur et a conscience des contraintes. Si malgré plusieurs injonctions, vous ne constatez pas de modifications significatives dans le comportement de votre managé, s'en remettre aux ressources humaines est conseillé. "Ces interventions vous auront au moins donné des éléments concrets à remonter à la DRH qui pourra alors voir ce qui peut être fait", ajoute Michel Lora.

Jdn 04/12/2007

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